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Le 57ème Régiment d'Infanterie en 1914
30 avril 2006

TRAVAUX DES CHAMPS SUR LE PLATEAU DE HEULEU

travauxchamps

Cette journée du 23 août tient une place particulière dans le parcours de la 70e brigade mais aussi dans la mémoire collective des habitants de Lobbes. En effet, ce fut le « baptême du feu » pour le 144e et une partie du 57e R.I sur ce coin de terre de la province de Hainaut, lequel ne verra plus d’autres combats durant toute la guerre. Nous sommes loin d’autres régions plus tard ravagées, aux villages rasés, pris et repris maintes fois, au sol lunaire foulé par des centaines de milliers de combattants durant plus de quatre années. 23 août 1914 la bataille, puis le repli le 24, et le 25 Von Bulow (2ème armée) est déjà à la poursuite de tous les Raymond de la Vème armée sauvée in extremis de l’anéantissement par la clairvoyance et l’initiative de son chef, le général Lanrezac.
Le caractère exceptionnel donc, de ces évènements dans la région, va faire naître un culte du souvenir pour ces combattants français. La guerre finie, des familles viendront se recueillir sur les tombes après un long voyage depuis Bordeaux ou les régions voisines. Mais elles ont été trompées, car il est certain que la plupart des noms sur les croix ne correspondent pas à ceux qui sont dessous. Nous y reviendrons.

Couraud : «… Deux jours seulement après le combat on leur permet (aux belges) d’ensevelir nos morts ; ils s’y emploient avec un louable empressement et les plus délicates attentions, et identifient tous ceux que le moindre objet permet de reconnaître. Malheureusement, les soldats allemands, pillards sans vergogne, sont passés par là et beaucoup de français ont été dévalisés. Les souvenirs recueillis, la guerre finie, seront remis aux parents des morts. »
"Avec les plus délicates attention", l'identification des morts, beaucoup à dire sur ce sujet là aussi.
Les civils belges vont identifier puis ensevelir les soldats français. Ajoutons que nombre de morts seront manipulés trois fois … D’abord les tombes, éparpillées dans les champs et des fosses communes, puis un cimetière provisoire, et enfin celui que nous pouvons voir aujourd’hui. Le louable empressement et les délicates attentions selon Couraud, non !
« Deux jours seulement après le combat… » . Car durant ces deux jours, les allemands ramassent en priorité leurs morts qui sont nombreux aussi et les inhument en plein champs ou dans un cimetière improvisé. Georges Gay cite le chiffre de 245.
Les photos suivantes montrent le paysage des champs du plateau de Heuleu, avant les regroupements des tombes.

Français : 1 - Lieutenant DELITAT (57e R.I.) près de la ferme Philémon. 2 - Tombes isolées. 3 - La surface indique certainement une fosse commune à plusieurs soldats.
4 - BAZIGNAN Roger Pierre (144e R.I.). 5 - Un officier français (On peut lire sur une photo plus grande "1 französ.Offizier").

Allemands : 1 - Une tombe certainement de l’autre côté de la ferme Philémon par rapport à l’emplacement de celle du lieutenant Delitat. 2 - 3 - 4 - Peut-être une partie du cimetière provisoire allemand, surtout la N°4 qui n’est pas isolée; fosse commune car on peut compter une quinzaine de noms sur ce qui semble être une liste sur la croix.

- De cimetière en cimetière -

Beaucoup de déplacements de corps, de fosses communes en tombes individuelles, des champs de betteraves à l’ancien cimetière, de l’ancien au nouveau…

Et quelques photos rassemblées ici.

1 - L’ancien cimetière mixte franco-allemand. On remarquera les croix de pierre typiques allemandes fournies par l’occupant. Des noms et prénoms, des villes de recrutement ou de garnisons de régiments, TARBES, BAYONNE, LAINTES (lire SAINTES…) et partout « RG DE BORD » pour « régiment de Bordeaux ». Excepté pour le 144ème RI le régiment du défunt n’était pas « de Bordeaux », à moins que cela signifie « régiment du 18ème CA » dont le siège était la capitale girondine. 

2 - 3 - Le nouveau cimetière : Croix de pierre « allemandes » déplacées, croix de bois encore puisque cet endroit était déjà, aussi, un cimetière provisoire. Et puis le monument… Sur un bas-relief en métal, on pouvait voir un soldat tombant sur le corps de son capitaine. Le soldat était GUIRAUT Louis Gabriel Jean, 20 ans, et le capitaine, CONSTANS Joseph Louis Marie, 43 ans, commandant de la 7ème Cie. Nous reviendrons sur Guiraut plus loin avec la lettre du père, dans « les témoignages »…

4 - 5 - Inauguration en 1934 du nouveau monument. L’ancien avait une autre allure, quelque chose « d’antique », mais il ne pouvait être vu d’assez loin sans doute… Les croix allemandes sont toujours là, elles seront plus tard remplacées par les croix classiques et normalisées .

Lobbes3

Lobbes1

Ce sujet des inhumations est très compliqué à mettre à jour ici, il faudrait lui consacrer un blog entier.
On a (les belges) prélevé sur les corps livret militaires, plaques d'identité, bagues, montres, argent... Il est certain que tout n'a pas été restitué aux familles après guerre comme l'écrit Couraud... Excepté quelques tombes individuelles surtout des officiers, les corps ont été mis en fosses communes, tous sans cerceuil évidemment. Quatre années plus tard, lors des transferts de ces corps entassés vers des tombes que l'on voit aujourd'hui, on comprend que ce fut du grand n'importe quoi pour mettre des noms sur les croix.
Des listes de corps en fosses commune avaient été établies, mais impossible de préciser qui on a réhinumé en tombe individuelle.
Pauvres familles lors de la restitutions de certains corps en 1922 qui croyaient que leurs êtres chers étaient dans le cercueil...
La solution honnête eut été de mettre tous les corps initialement en fosses communes dans un ossuaire comme on en voit dans nombre de nécropoles nationales, avec les noms gravés sur le monument.

Franz Daivier, de Lobbes, un fouilleur passionné m'a envoyé un grand nombre de documents trouvés à la maison communale (la mairie), je mets ici des liens vers ce sujet du Forum Pages 14-18 (son pseudo daivier). A noter sa citation: "Il n'est pas une vérité qui ne porte avec elle son amertume" Albert Camus. 

La bataille de Lobbes

Les tombes

  - Frères jusqu'au bout... -

Parmi les 118 croix du 57° R.I. au cimetière de Lobbes, des cas... Les frères jumeaux COTTREAU, de Saint Thomas-de-Conac, Charente Maritime. Henri et Paul, 23 ans. 5ème Cie. Ils étaient tous deux portés disparus sur l'état nominatif des pertes du régiment rédigé à l'époque. La fiche MDH de Paul comporte des erreurs: Le lieu, entre Thuin et Gozée, lire Lobbes, et le genre de mort, enseveli en service commandé. Le 57 n'a jamais combattu entre Thuin et Gozée et il n'a reçu que quelques billes de schrapnels qui bien entendu ne peuvent ensevelir personne. Mais comme nous l'avons vu plus haut, des corps ont été déplacés, depuis les premières tombes en plein champ ou d'un premier cimetière provisoire jusqu'à celui de Heuleu, et le rédacteur de la fiche a peut-être simplement recopié en 1921 (année modèle de la fiche) l'information qu'il avait sous les yeux: Cottreau Paul a été retrouvé enseveli. Et il a ajouté en service commandé afin de justifier la mention Mort pour la France. Fin de mes cogitations... Petit photo-montage maison, les fiches et les croix (avec une erreur, Cottereau), cliquez ICI
Autres frères mais pas jumeaux, les LARANE, Joseph et Michel, 21 et 23 ans, 6ème Cie ICI .
Nous en verrons bientôt d'autres, jumeaux ou pas, car les frères étaient bien souvent dans le même régiment en 1914. Question de moral ? D'entraide et de cohésion ? Si c'est celà, ils étaient non seulement dans la même compagnie mais bien entendu dans la même escouade... Et quand un coup dur arrivait sur les 15 hommes, il y avait une forte probabilité pour que les deux soient tués ou blessés le même jour et au même endroit. On ne pouvait pas trouver mieux pour endeuiller à ce point une famille. Deux d'un coup...Il semble que cette pratique, regroupement de frères dans la même escouade ait été abandonnée à partir de 1915.

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